Julie Petters Desteract: “Le moment que je préfère à Istanbul c’est pendant le ramadan. J’adore aller célébrer “iftar” à Eyüp..”

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Julie Peters Desteract.. Je l’ai connu à Istanbul quand elle donnait des cours de textile à l’Université Yeditepe.. Une amie de coeur, une artiste et une voyageuse. C’est une personne qui vit  à sa façon.. Beaucoup d’entre nous ont envie de faire de même mais n’y arrivent pas facilement.

 

Je vous avais connu à Istanbul, maintenant vous vivez en Chine. Pouvez vous nous parler un peu de votre vie aventureuse?

Je suis née il y a 38 ans à Casablanca. Quand j’avais sept ans ma famille a décidé de rentrer en France. J’ai étudié l’art et de textile en France à Marseille et aussi à Paris. En quatrième année des Beaux-arts je suis partie en programme d’échange dans une université à San Francisco. 
 
J’y ai vécu trois ans avant de décider de partir sur la route de la soie pour découvrir les textiles orientaux magnifiques que j’avais étudié à l’école. C’est comme ça que je suis arrivé à Istanbul la merveilleuse où j’ai découvert les trésors textiles de tout le Moyen-Orient et l’Asie centrale. J’ai continué ma route en Asie orientale, au Japon, en Chine et en Asie du Sud-Est. La Chine, plus particulièrement, a retenu mon attention. J’ai découvert les minorités éthniques dans le sud-ouest, une région qu’on appelle le Guizhou.

J’habite en Chine depuis cinq ans, je suis professeur dans une école internationale où j’enseigne l’art à des enfants chinois qui ont vécu à l’étranger et qui reviennent en Chine pour retrouver leurs racines. En temps qu’artiste j’utilise des traditions chinoises qui sont très importantes pour moi: le textile et le théâtre d’ombres.

Vous  êtes une collectionneuse des tissus… Quel est l’influence des cultures sur les tissus des différents pays du monde?

Je mettrais en parallèle le textile et le théâtre d’ombres. Ils ont beaucoup de points communs : ils sont tous deux des traditions ancestrales et populaires orales. C’est à dire qu’ils étaient faits par le peuple et pour le peuple, partout dans le monde et par tous.
 
On ne sait pas quand l’homme a commencé à fabriquer des tissus tellement ceux-ci sont anciens, le tissu est né avec l’homme comme une seconde peau. C’est pourquoi le tissu exprime ce que nous sommes.
En occident nous avons cessé de fabriquer nos propres tissus et nous nous sommes distancié de lui. Les minorités éthniques continuent de fabriquer des textiles qui parlent de leurs légendes et de la mémoire de leur peuple. Ces vêtements sont portés lors de cérémonies rituelles, tels que les mariages et lors des événements importants de la vie.

Et le théâtre d’ombres?

Le théâtre d’ombres était un art qui appartenait au petit peuple. C’était le moyen de raconter des histoires. Certaines venaient de loin: on dit que c’est grâce au théâtre d’ombres que le bouddhisme est arrivé en Chine.
Comme Karagöz en Turquie, le théâtre d’ombres était un moyen pour les gens du peuple de dire ce qu’ils pensaient du pouvoir sans risquer de se faire embêter (on ne peut pas mettre les marionnettes en prison!)
Les textiles et la Marionnette sont deux expressions populaires très forte qui nous renseignent sur notre identité et sur notre histoire. Aujourd’hui ces formes d’expression sont en danger; notamment en Chine, un pays qui rêve de «progrès», de «modernité».
 


J’ai choisi d’étudier et d’utiliser ces techniques, aussi bien pour leur beauté plastique que pour l’histoire qu’ils portent, dans une création contemporaine. J’ai réalisé une installation plastique et aussi une pièce de théâtre d’ombres. A travers ces média je rencontre des gens et avec lesquels j’apprends sur le passé mais aussi sur le présent. Nous questionnons les futurs possibles. En tant que professeur, j’essaie de sensibiliser mes élèves à ces questions qui pour moi sont très importantes.

Quelle est votre définition d’artiste ?
Un artiste  pour moi c’est quelqu’un qui s’intéresse à tout, qui regarde, qui écoute, qui réfléchit, qui se posent des questions… et qui exprime ces questionnements sous forme plastique. L’idée n’est pas de répondre aux questions mais de les poser et de laisser celui qui fait l’expérience de l’oeuvre répondre lui même. Un artiste, qu’il écrive, qu’il peigne, qu’il filme… et celui qui crée l’environnement dans lequel nous évoluons, qui crée la pensée qui crée des habitudes et une esthétique; que d’autres utiliseront. C’our cela l’art est un espace de liberté qui parfois effraie le pouvoir.
Quelle est votre définition de bonheur?

Le bonheur c’est quand on est avec les gens qu’on aime, dans un endroit qu’on aime et qu’on fait ce qu’on aime. Peu importe avec qui, en faisant quoi et où… l’important est d’apprécier ce que l’on a au moment présent.

Depuis quand et pourquoi aviez vous choisi vivre  à Istanbul?

Il y a beaucoup de raisons pour lesquelles j’aime Istanbul passionnément. Istanbul est comme un tissage; fait d’une multitude de liens différents, de fils venus d’ailleurs et d’influences diverses, et où tout se rejoint depuis déjà bien longtemps et semble vivre en bonne entente. (Même si cet équilibre est constamment mis à l’épreuve. Pour moi Istanbul représente un espoir pour le monde musulman et la relation entre l’occident et l’orient.

J’ai eu aussi la chance d’enseigner deux cours de textile a l’université de Yeditepe mettant en relation la vie des étudiantes (ces «jeunes femmes modernes») avec des traditions ancestrales. Je pense qu’elles ont été étonnées et séduites.

Pourriez vous définir votre Istanbul en cinq sens, comme  l’odeur, le son,  la vue,  le goût et le touche?

Le moment que je préfère à Istanbul c’est pendant le ramadan. J’adore aller célébrer “iftar” à Eyüp. Le moment où on remonte la corne d’or en passant devant des mosquées magnifiques et qu’on arrive au plus grand pique-nique du monde ou des familles entières se sont réunies pour être ensemble et attendre un moment qui leur est cher. La ferveur générale, l’odeur de la nourriture qui se prépare, les bavardages des femmes, les babillages des enfants, le soleil qui se couche et soudain tous les Minarets qui chantent en même temps, faisant écho dans les collines et sur le Bosphore.


Le projet dont vous rêvez pour Istanbul?

Si c’était un projet de musique, je rêverai de travailler avec un compositeur (je sais déjà lequel!) qui créerait une partition pour chaque minaret. L’heure de la prière deviendrait une symphonie au-dessus de la ville.

Si c’était un projet de théâtre d’ombres ce serait un petit théâtre ambulant qui jouerait dans chaque petit quartier des histoires anciennes et des histoires d’aujourd’hui, les histoires des gens du quartier… et qui redonneraient une voix à tous. Si c’était un projet d’éducation j’aimerais que la jeune génération redécouvre leur héritage, sa richesse et sa force.
Voudriez vous donner vos coordonnées aux lecteurs de mon blog?
Merci à tous pour votre attention.. contactez-moi si le coeur vous en dit:

m.julie.peters.desteract@gmail.com
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