Sophie Cohen, peintre et comedienne, amoureuse d’Istanbul

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Qu’est-ce qu’ils racontent vos dessins de l’exposition diver/sity?

A partir du thème diversity/divers city/diver city proposé par l’équipe du Printemps des artistes, j’ai choisi  de m’intéresser aux gens dans la ville, plus particulièrement aux moments de foules et en terme d’espace, aux embarcadères, aux instants d’arrivées et de départs. Évoquer les gens dans leurs mouvements, les silhouettes qui traversent l’espace; les visages, parfois, quand on arrive à les distinguer, il y en a tant qu’ils finissent par créer une masse ou ne sont perçus que par fragments et surtout les corps vus à travers des fenêtres, des portes vitrées. J’ai souvent  l’impression qu’à Istanbul la vision n’est pas directe, elle est filtrée soit par des éléments concrets, matériels, soit par le rêve que j’ ai de son passé, de son histoire. Il y a pour moi de la trace et du fantômatique à Istanbul  et je pense que ce ressenti traverse immanquablement ce que je peins.

Et la couleur…. Beaucoup de bleus et dérivés, des gris colorés, ceux du Bosphore qui imprègne  la ville même dans les endroits où on ne le voit pas, des rouges et quelques contrastes intenses, des transparences aussi, des nuances qui se mélangent, des couleurs qui filent…. Evoquer la ville en la montrant peu, la dire à travers les corps ensembles et les solitudes qui la peuplent.”

Lequel est plus fort, les mots ou les dessins pour vous exprimer?

Les 2 sont importants pour moi et complémentaires; je suis très attachée à la langue, j’ai été longtemps comédienne et j’aime profondément les mots et les textes, la musicalité, les images, les sensations les rêves, les réflexions qu’ils produisent. J’ai d’ailleurs régulièrement besoin de lire et d’écrire.   J’ai choisi aujourd’hui de consacrer l’essentiel de mon temps et de mon énergie au dessin et à la peinture car cela se fait en silence et c’est la matière, la couleur, les formes qui créent le langage.  Donc, pour conclure, il m’est impossible de donner un degré d’importance à l’un ou à l’autre, texte et visuel me sont tout autant nécessaires!

Depuis quand et pourquoi vous avez choisi vivre a İstanbul? 
Je suis venue la première fois car j’écrivais un texte sur les traces stanbuliotes que ma grand-mère et mon grand père m’ont laissées en héritage. Ma famille maternelle a été longtemps implantée dans la région, nous supposons qu’ils sont arrivés d’Espagne à la fin du XVème siècle. Mes deux grands-parents sont nés et ont grandi au sein de l’empire ottoman, ma grand-mère à Istanbul  jusqu’à ses 16 ans et mon grand-père en Grèce puis à Istanbul de 10 ans à 23 ans environ.

J’ai vécu à leurs cotés et ils m’ont transmis leurs habitudes alimentaires, comportementales; ces traces ont marqué mon enfance et sont devenus miennes, j’ai toujours à l’oreille le fort accent de ma grand-mère et les expressions turco-espagnoles de mon grand-père. J’ai donc eu besoin d’écrire un texte à ce sujet et de venir faire des recherches à Istanbul, de rencontrer la famille turque qui nous reste et de découvrir la ville. Je suis d’abord venue 10 jours et  suis tombée amoureuse d’Istanbul. De retour en France, je n’ai pensé qu’a revenir plus longtemps et  pendant un an, la ville m’a hantée. Je suis donc revenue et je partage maintenant ma vie entre Paris et Istanbul, en espérant pouvoir bientôt m’installer beaucoup plus à Istanbul.


Pourriez vous définir votre İstanbul en cinq sens,  comme  odeur, son,  vue,  gout et touche?

Des odeurs très fortes, charbon, nargilé, essence de voitures, effluves de préparations culinaires émanant des immeubles,  poisson et iode, les sirènes de vapur se mélant aux signaux des tramways, des voitures de Police et klaxons des voitures, camions, autobus; les appels des marchands ambulants tout au long de la journée, les appels à la prière évidemment; Le Bosphore et les mers, les immeubles colorés serrés les uns contre les autres et les antennes satellites, la pierre, le bois et le béton, la chaleur moite et le vent, un lokhoum au sakız dans la bouche, un verre à thé devant moi, quelques kuruyemiş à portée de main; la foule qui m’entoure et parfois me bouscule, les martins-pêcheurs qui volent au dessus de ma tête… je pourrai en dire encore plus, mes cinq sens sont constamment mis en éveil ici!
l’Art,  qu’est-ce qu’il signifie pour vous?

Ma façon d’être au monde et en vie.

Votre définition du succès?

Continuer d’apprendre, rester une éternelle “étudiante” , pouvoir dire aussi longtemps que possible,” tout ce que je sais c’est que je ne sais pas”;  bien sur,  vivre de mon art autant que possible et pouvoir choisir mes projets. Le succès en  est un s’il me donne plus de liberté.

Votre définition du bonheur? 

Dure question (rires)… Mon bonheur passe par l’accomplissement, tenter d’être et d’agir  en harmonie avec ce que je ressens; voir les gens que j’aime épanouis et heureux, nous accompagner mutuellement; faire de belles rencontres, le temps  d’un instant ou à long terme; rester vive, passionnée, en appétit; cultiver un art de vivre qui nourrit mes pratiques artistiques.


Est-ce que l’art fait le bonheur?

Je dirai qu’il m’est douloureux, qu’il  me consume mais me donne tellement en retour…. Jeunesse conservée, sensibilité accrue, beaucoup de réflexion, de la curiosité et de compréhension du monde. Et tant d’amour!! Quand je travaille, je suis seule  mais au bout du compte, je sais que ces longs moments de solitude m’emmènent vers les autres et si à travers ce que je produis, je peux leur donner du plaisir de l’émotion de la réflexion, de la curiosité dans son sens noble, ça me rend heureuse.

Les travaux d’art pour les enfants, sont ils indispensables?

Oui, mais dans l’idéal j’ai envie de dire pas uniquement  pour les enfants, pour tout être humain, les pratiques artistiques et la connaissance des arts, aussi bien musique que littérature, poésie, arts plastiques, sont  indispensables! Cela permet de développer les qualités des individus, d’affirmer leur singularité et leur sensibilité tout au long de leur vie. Malheureusement, la vie actuelle met ces richesses au second plan, l’art est confondu souvent avec distraction, plaisir supplémentaire et accessoire. En étant également pédagogue, avec mes petits moyens, j’essaie d’ouvrir un peu les consciences de mes élèves, enfants, adolescents ou adultes, partager avec eux ces trésors d’enseignement….Les pratiques artistiques et sportives sont des écoles de vie.

 

Peux tu me definir en un mot Istanbul, Paris, Rome et Londres?

En un mot? impossible,chacune de ces villes sont des mondes!!!!!(rires)

Qu’elles sont vos lieux préférés pour passer un dimanche matin et un samedi soir à İstanbul?

Un dimanche matin à Fenerbahçe ou à Küçüksu au bord de la mer, un samedi soir à boire du rakı dans un meyhane en compagnie d’amis, à écouter des musiciens et/ou à jouer au tavla.

Le projet dont vous revez pour İstanbul?

Que la beauté et la diversité de l’architecture soit conservée, qu’on arrête le béton et que l’on garde les maisons en bois, les jardins privatifs, les maisons en pierre, qu’on arrêtela construction de nouvelles infrastructures routières, la ville est mangée par la circulation routière; que l’identité des quartiers soient conservées et que les populations qui y vivent puissent y rester, comme ça n’est malheureusement pas été le cas à Sulukule, le quartier tzigane; que la mondialisation et l’occidentalisation  n’envahisse plus la ville.

Sophie Cohen, née en 1971 à Paris, passionnée depuis sa petite enfance par les arts plastiques, le théâtre et le cinéma, déclare dès l’âge de 8 ans qu’elle fera un métier artistique. Elle fait des études de cinéma à l´Ecole Supérieure de Réalisation Audiovisuelle (ESRA) et une formation de comédienne à l’école Jean-Louis Martin-Barbaz à Paris. Pendant 17 ans, elle travaille en tant qu’assistante au cinéma et à la télévision puis en tant qu’actrice dans différentes compagnies théâtrales.

En 2003, elle reprend une formation de dessin et peinture dans les ateliers Beaux Arts de la ville de Paris. A partir de 2007, elle commence à exposer ses œuvres dans plusieurs lieux parisiens.

En quête de ses racines familiales ottomanes, elle décide de partir à Istanbul en 2009. Elle y mène des recherches et commence à écrire un livre et à peindre en rapport avec le sujet. En juin 2011, avec l’Association d’art et de culture Lokomotif, elle participe à une exposition collective à l’ occasion du centenaire de la naissance de Bedri Rahmi Eyüboğlu dans le village d’İskilip.
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